Thomas d'ANSEMBOURG

psychothérapeute,

formateur à la Communication Non Violente

       
       
             
                 

Thomas d'Ansembourg thérapeute, auteur et conférencier est né en 1957.
Il a commencé sa carrière en tant qu'avocat et conseiller juridique.Soucieux de donner un sens à sa vie, il s'est engagé dans une association d'aide aux jeunes en difficulté dans les années 1990 ("Flics et voyous"). C'est à cette période qu'il a pris conscience de la nature de la violence, qui n'est en fait qu'une manifestation de besoins profonds pourtant insatisfaits. Il s'est formé à une méthode, la communication non violente (CNV) auprès de son fondateur, Marshall Rosenberg.
Aujourd'hui, il anime des séminaires et des conférences sur le thème de la communication non violente. Il est proche du psychanalyste (jungien) et auteur Guy Corneau qu'il a rejoint dans l'association Cœur.com. Sa perspective est que par un apprentissage sur soi et de la communication, les personnes puissent prendre en compte leurs besoins et leurs limites pour ne pas en charger la relation et l'autre mais en négocier la gestion d'abord avec soi et ses propres instances internes (tripes, cœur, tête…) puis avec les autres.
Thomas d'Ansembourg est marié et père de famille.
Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

 

Bibliographie

2001 : Cessez d'être gentil, soyez vrai ! (Éditions de l'Homme)
2004 : Être heureux, ce n'est pas nécessairement confortable (Éditions de l'Homme)
2006 : Guerre et paix dans le couple : Petites mise en scène(s) de Ménage DvD coproduction Gsara
2008 : Qui fuis-je ? Où cours-tu ? À quoi servons-nous ? (Éditions de l'Homme)

 

 

 


Table ronde : Quelles sont les effets de la violence éducative ?

Thomas d’Ansembourg
Auteur et Formateur en Communication NonViolente


A mes yeux, la violence éducative ne consiste pas seulement dans l’usage de la punition, corporelle ou autre. Elle consiste à faire usage de la contrainte physique ou psychique pour obtenir (ou tenter d’obtenir) d’un enfant un résultat, soit quelque chose à faire (ou ne pas faire), quelque chose à dire (ou ne pas dire)ou une attitude à prendre ( ou à ne pas prendre).

Elle est utilisée la plupart du temps avec la meilleure des intentions : elle est l’expression du besoin de transmettre aux enfants des valeurs comme la discipline personnelle, le plaisir de l’effort vers un résultat, l’apprentissage, l’évolution, la coopération, l’intégration et l’appartenance, ainsi que du besoin d’indiquer des limites et d’apporter de la structure. Les personnes qui en font usage sont simplement dans l’ignorance qu’il y a bien d’autres façons d’accompagner les enfants dans cette voie et notamment que l’on peut éduquer avec structure et bienveillance sans punition ni récompense ; elles sont également dans l’ignorance complète que leur modèle d’éducation est contreproductif : il crée exactement l’inverse de ce qu’elles veulent.

En effet, en attendant des enfants qu’ils agissent ou réagissent sous l’effet de la violence, nous entretenons un monde dont les acteurs reproduisent systématiquement le vieux schéma des rapports de force : nous voyons bien que depuis des siècles certains agissent, décident, exigent, commandent et contrôlent de manière violente tant dans leur rapport à eux mêmes, aux autres (particulièrement aux femmes et aux enfants) qu’ à la nature ; tandis que d’autres réagissent, se rebellent, se soumettent ou désespèrent d’une manière qui entretient également la violence , sur eux mêmes ou sur les autres.

En entretenant ainsi des rapports de force (domination/soumission) entre les adultes et les enfants, nous assurons dans leur esprit l’installation et la maintenance d’un logiciel tragique qui risque de les programmer leur vie durant. L’encodage est : « Lorsque nous ne sommes pas d’accord, la seule façon de résoudre le conflit c’est de s’écraser ou d’écraser ». Ainsi nous perpétuons un modèle du monde où prévalent les tensions et les divisions, la méfiance par rapport à la différence (« Si je suis différent, va-t-on m’aimer et me respecter ?)ou la peur de l’autre, la compétition ou la fuite, mais rarement la rencontre, la confiance, l’ouverture, le sens de et l’estime pour la différence, le sens de et le goût pour la collaboration et la synergie.

Ainsi nous perpétuons un modèle du monde qui produit plus de tyrans, de rebelles ou de soumis, plus d’agressifs hyperactifs et de timides dépressifs, plus d’individus cherchant un ersatz de réconfort dans toutes sortes de compensations ou dépendances ( quand ce ne serait que l’addiction à la tentative désespérée de plaire à tout le monde et de ne déplaire à personne), que d’hommes et de femmes bien dans leur peau, assertifs, pondérés et bienveillants, qui connaissent et gèrent avec aisance leurs forces comme leurs fragilités, savent dire oui quand ils pensent oui et non quand ils pensent non, et goûtent à la joie profonde de vivre ancrés dans leur élan de vie propre, leur élan créateur.

J’ai personnellement mis des années de thérapie pour parvenir à démanteler petit à petit le piège du logiciel en question. Ma chère mère, qui était profondément généreuse et habitée des meilleures intentions, nous dispensait (nous étions cinq enfants) un amour que j’ai pu vivre comme conditionnel. Comme toute les mamans, elle nous disait : « Tu serais gentil de ranger ta chambre, stp ; tu serais gentil de m’aider un peu à la cuisine, stp ; tu serais gentil de nous ramener des beaux points de l’école, stp,… ». Mais, au regard des conséquences encourues en cas de non exécution, moi j’encodais : « Je t’aime si tu ranges ta chambre ; je t’aime si tu accomplis les tâches demandées et si tu performes à l’école ». Je me suis ainsi forgé la croyance : « Attention, l’amour est conditionnel ; pour l’obtenir il faut faire, performer, réussir, correspondre aux attentes des autres…». Tant d’hommes et de femmes m’ont témoigné avoir grandi dans la même insécurité que j’en ai fait le thème de mon premier ouvrage : « Cessez d’être gentil, soyez vrai : être avec les autres en restant soi même». Si ce livre continue de toucher des centaines de milliers de lecteurs, c’est qu’ils se reconnaissent dans cette difficulté à être soi, et donc à savoir qui ils sont.

Dans ce climat, devant la peur du rejet (ambiance glacée, réprimande cinglante, gifle ou punition humiliantes), il s’instaure une insécurité affective de base qui peut s’exprimer comme ceci : est-ce qu’on m’aime pour qui je suis ou pour ce que je fais ? Cette angoisse existentielle est la cause de bien des états de mal-être et de violence intériorisée et extériorisée (et de bien des dysfonctionnements qui en résultent : maladie, dépressions, consommation de médicaments, drogues et alcool, workalcoolisme, hyperactivités et dépendances diverses,…)

Depuis plus de quinze ans que j’accompagne les personnes à travers les cycles et les saisons de leur vie, tant en thérapie qu’en développement personnel, je dégage des constantes et fais des liens entre ces états de mal-être et de violence et les conditionnements résultant d’un climat d’enfance où les différents ne sont pas tolérés, les désaccords sont tranchés par la loi du plus fort et induisent l’impression « Désaccord vaut désamour », l’écoute demandée à l’enfant n’est qu’une exigence d’obéissance et non un élan de rencontre entre deux humains par nature différents, l’identité propre (personnalité, sensibilité, élan et rythmes personnels) n’est pas encouragée mais plus souvent disqualifiée au profit d’une prétendue intégration au groupe… Et là est l’écueil : comment respecter les autres si je ne me suis pas senti respecté moi-même, et si je n’ai donc pas appris le respect de soi ? Comment écouter l’autre si je n’ai pas appris l’écoute de moi ? Comment accueillir l’autre dans sa différence et sa complexité si je n’ai pas senti et expérimenté la sécurité que confère l’accueil et la liberté d’être différent en pensées, rythmes, sensibilités ?

La violence éducative ordinaire crée exactement ce qu’elle voudrait éviter.

Nous avons aujourd’hui des apprentissages à faire pour grandir ensemble dans l’estime, la bienveillance et le discernement. Ne sommes nous pas chacun - parent, éducateur, enseignant, enfant et/ou élève- assis sur les bancs de l’école de la vie et, tour à tour, maitres et disciples les uns des autres ?