Daniel FAVRE

docteur en neurosciences et sciences de l’éducation, enseignant-chercheur

       
           
             

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

FAVRE Daniel, CC77, bâtiment 25 Université Montpellier 2 – 34095 Montpellier Cedex 05 France Tel/Fax : 33 (0)4 67 14 32 87, courriel : favre@univ-montp2.fr

Professeur des Universités en Sciences de l’Éducation à l’IUFM - Université Montpellier 2

Doctorat d'État en Neurosciences et Doctorat en Sciences de l’éducation

Directeur adjoint du LIRDEF (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation : Équipe d’Accueil n°3749) et responsable de la composante : « Didactique et Socialisation »

Thèmes de recherche
- Psychologie de la self regulation : apprentissage de la penséee non dogmatique et empathie, trois systèmes de motivation
- Dimension affective de l’apprentissage, liens entre échec et violence scolaires
- Le statut du sujet en éducation
- L’éducation à la responsabilité

Ouvrages
Favre D. (2007) Transformer la violence des élèves. Cerveau, motivations et apprentissage. Dunod – Paris.
Favre D. (2010a) Cessons de démotiver les élèves: 18 clés pour favoriser l’apprentissage. Dunod – Paris.

 

 

 

Table-ronde du 20/10/2001 10h à 13h

comment prendre en charge les déficits de l’attachement et de l’empathie résultant de la violence éducative

" L'empathie, la contagion émotionnelle, la coupure par rapport aux émotions et la prévention de la violence - de la théorie à la pratique"

 

Selon une recherche multidimensionnelle menée préalablement en France et au Canada, auprès d'adolescents de 13 à 15 ans « désignés comme violents » par leurs enseignants, des informations ont été recueillies permettant de construire un portrait psychosocial et cognitif de l’adolescent “violent” : 1 - un état anxieux et dépressif qui touche la majorité d'entre eux ; 2 – en situation de frustration, les élèves violents traitent l’information de manière dogmatique. En effet, l’analyse de leurs productions langagières met en évidence, comparativement aux témoins et/ou aux situations n’évoquant pas une frustration, l’absence significative des mots pour désigner des émotions ou des sentiments et la mise hors de leur portée des événements qui les affectent négativement, le recours au registre de l’implicite et à la généralisation abusive et, enfin, l’absence de recul par rapport au propos qu’ils énoncent : tout a valeur de certitudes auxquelles ils adhèrent collectivement ; 3 – ces deux caractéristiques se présentent comme étroitement et significativement corrélées à la mesure des conduites agressives. L’agressivité considérée comme une pulsion biologique au service de la vie (permettant de préserver l’intégrité physiologique, psychologique et territoriales) est en effet dans le cas des adolescents « violents » sept fois supérieure à celle des « non violents » de notre étude. On peut donc considérer que ces adolescents se sentent menacés et sont eux-mêmes des « victimes ». De leur point de vue, ils ne font d’ailleurs que se défendre contre un monde extérieur « mauvais et dangereux » pour eux. Ce ressenti est aggravé par le mode de fonctionnement dogmatique qui leur fait « projeter » sur autrui leurs émotions et leurs sentiments, « ils n’y sont donc pour rien ». Ils ne peuvent pas changer leurs comportements pour deux raisons principales. D’une part, ils ne voient pas la part qu’ils ont dans les évènements négatifs qui affectent leur vie et, d’autre part, ils ne perçoivent pas consciemment qu’ils peuvent devenir dépendant comme d’une drogue aux comportement violents qui leur permettent d’avoir un sentiment illusoire de puissance quand leurs « victimes » manifestent peur et affaiblissement.

Le fonctionnement dogmatique permet également de comprendre que ces élèves sont peu préparés à rencontrer la déstabilisation cognitive présente dans tout apprentissage ainsi que les individus qui ne leur ressemblent pas et explique pourquoi ils échouent à l'école, ce qui ne peut que renforcer le symptôme anxieux et dépressif, et pourquoi la rencontre avec l'altérité les amène à privilégier l'action violente. L'empathie ou la capacité à se représenter de manière pertinente les intentions et les ressentis d'autrui est plus ou moins impossible du fait, qu’ils sont souvent en « projection » et ont de la difficulté à distinguer les émotions qui viennent des autres des leurs.

Or, Mehrabian (1997) a montré que l'empathie est corrélée négativement et spécifiquement aux comportements violents. L’augmentation de la capacité d’empathie pourrait procurer ainsi une indication d’une prévention effective de la violence chez les élèves des classes concernées. Préalablement aux interventions visant la prévention de la violence, nous avons construit un test original puisqu’il permet de mesurer et de distinguer, l’empathie mais aussi la contagion émotionnelle et la coupure par rapport aux émotions (Favre et coll., 2009).

L’objectif principal de la formation des enseignants pour prévenir la violence des élèves mais également (et de manière implicite) ce que l’on peut appeler la violence éducative va consister à développer un fonctionnement « en référence interne » rendu possible par l’apprentissage de la pensée non dogmatique.

À l’opposé de la pensée dogmatique ou fermé, le mode de pensée non dogmatique ou ouvert invite à l’explicitation, à prendre conscience que l'autre est différent de soi, à attribuer un caractère approximatif et provisoire aux énoncés, à repérer et exposer les limites dans lesquelles l'énoncé trouve sa validité ou son domaine d'application et à prendre en compte les faits de sa propre subjectivité c.a.d. identifier ses besoins, ses émotions (peurs et désirs frustrés ou non) et les situer dans leur contexte. Non pour les nier, mais pour leur donner le droit d'exister et de se manifester, sans pour autant prendre toute la place (débordement émotionnel).

Au fil des différentes expérimentations, nous avons pu observer que le passage du sujet adolescent en référence externe (pensée dogmatique) vers la référence interne (pensée moins dogmatique) s’accompagne d’une augmentation de la capacité d’empathie et d’une diminution de la contagion émotionnelle et de la coupure par rapport aux émotions. Cependant, cette possibilité pour le sujet de s’autoréguler et d’être moins dans une logique d’immédiateté, lui permet aussi de mieux réussir à l’école et nous faisons l’hypothèse que la satisfaction de réussir les apprentissages (motivation d’innovation) lui permet de se sevrer du plaisir d’affaiblir (motivation d’addiction).

L’efficacité de la prévention de la violence à l’école par les enseignants va donc dépendre également de la compréhension profonde de la corrélation forte et significative mesurée entre agressivité et anxiété dépression. Malgré les apparences (comportements violents), les jeunes que nous avons étudiés (école primaire, collège et lycée) se sentent en insécurité et le changement de système de motivation (addiction vs innovation) sera fortement facilité si les enseignants construisent des dispositifs d’apprentissage et d’évaluation où les élèves vont pouvoir « restaurer » leur motivation de sécurisation (Favre, 2007 ; 2010 a&b).

 

Mehrabian, A. (1997) Relations among personality scales of aggression, violence and empathy: Validational evidence bearing on the Risk of Eruptive Violence Scale. Aggressive Behavior, 23, 433-445.
Favre D., Joly J., Reynaud C. & Salvador L.L. (2009) Empathie, contagion émotionnelle et coupure émotionnelle - Validation d'un test pour repérer et aider les élèves à risque. European Review of Applied Psychology, 59, 211–227.
Favre D. (2010b) De la perception à l’apprentissage : trois systèmes de motivation en interaction. In. A. Naceur & S. Masmoudi (Dir.), Du Percept A La Décision - Intégration de la Cognition, l'Emotion & la Motivation. Bruxelles: De Boeck Université, Collection neurosciences et cognition, chapitre 6, p. 227-248.

 

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