Edmond Marc est psychologue clinicien, Docteur d’état en psychologie et Professeur émérite des universités.
Il est formateur et superviseur.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la psychothérapie, dont :
Le guide pratique des psychothérapies (Retz),
Le changement en psychothérapie (Dunod),
Psychologie de l’identité (Dunod),
L’école de Palo Alto (avec D. Picard, Retz),
Pratiquer la psychothérapie (avec A. Delourme, Dunod),
Le groupe thérapeutique (avec C. Bonnal, Dunod)…

emarc75@gmail.com

La question de l’identité témoigne aujourd’hui d’une situation de crise qui touche aussi bien l’individu que la société et traverse aussi le champ de la psychothérapie.
Mais pour en comprendre les enjeux, il convient d’interroger la notion d’identité. Apparemment, elle revêt une sorte d’évidence ; cependant elle se révèle à l’analyse particulièrement complexe car elle se situe à l’articulation de l’individuel et du social.

1. Une notion paradoxale

L’identité est une notion paradoxale. Elle conjugue en un même mouvement (comme son champ sémantique le montre) l’identique et le différent, l’individuel et le social, l’unicité et la multiplicité, la similitude et l’altérité. Elle appartient à la sphère des phénomènes « transitionnels » (à la fois moi et non-moi, intérieur et extérieur) et, comme le souligne Winnicott : « Il importe que le paradoxe ne soit pas résolu ».
Une des dimensions du paradoxe est que l’identité ne surgit comme problème que lorsqu’elle est problématique. Sa quête même, pour les individus comme pour les groupes, reflète un sentiment de crise. Dans les périodes sereines où elle n’est pas remise en cause, l’identité fait peu l’objet de questionnements : elle va pour ainsi dire de soi. Elle ne suscite une interrogation anxieuse que dans les moments de menace, de rupture et de bouleversement. Elle reflète alors autant les conditions de sa mise à l’épreuve que le besoin d’affirmation, défense contre un risque d’éclatement ou d’effondrement.

2. Groupe d’appartenance/groupe de référence

Perçue comme éminemment individuelle, l’identité est pourtant l’effet d’un processus social. C’est le sociologue et philosophe G. Mead qui fut l’un des premiers à montrer que la conscience de soi n’est pas une pure production individuelle mais qu’elle résulte de l’ensemble des interactions sociales dans lesquelles l’individu est impliqué. Le sentiment d’identité n’est pas une donnée a priori de la conscience individuelle mais le résultat d’un processus de socialisation qui intervient tout au long de l’existence. Chacun perçoit son identité en adoptant le point de vue des autres, notamment du groupe social auquel il appartient.
Le langage joue un rôle fondamental dans ce processus ; et le nom apparaît comme le support de l’identité (ainsi l’enfant se désigne d’abord par le prénom donné par ses parents avant de pouvoir dire « je »).
Comme l’a montré le psychanalyste E. Erikson, le sentiment d’identité prend appui sur les identifications aux modèles proposés par les groupes primaires auxquels le sujet appartient. L’identification est réciproque, l’individu se reconnaît dans les modèles valorisés par la communauté et la communauté reconnaît l’individu comme un de ses membres. Si le groupe d’appartenance ne permet pas une valorisation et une consistance suffisantes de l’identité qu’il propose, l’individu peut puiser ses modèles dans un « groupe de référence » auquel il souhaiterait adhérer.

3. Un processus dynamique

L’identité n’apparaît pas comme la simple juxtaposition dans la conscience de l’individu de ses identifications, de ses rôles et de ses appartenances sociales. C’est une totalité dynamique où ces différents éléments interagissent dans l’harmonie ou le conflit. Elle résulte de « stratégies identitaires » par lesquelles le sujet tend à défendre son image et sa visibilité sociale ; elles peuvent tendre à favoriser son intégration au groupe d’appartenance ou, au contraire, l’amener à quitter ce groupe pour rejoindre un groupe de référence plus valorisant.

4. Psychothérapeute : une identité en crise dans une société en crise

La loi française, en contestant le titre de thérapeute à ceux qui en faisaient profession et en le conférant à ceux qui ne l’étaient pas (ou n’en voulaient pas), a provoqué une crise grave ; elle a plongé dans l’illégitimité toute une partie de la profession qui se trouve en perte d’identité. Cette crise reflète les tensions et les antagonismes qui, dans notre société, traversent le champ du soin (polarité notamment entre l’abord médical et l’abord psychologique). Ces tensions interviennent au moment même où la demande de soin est potentiellement croissante, venant d’une population en plein désarroi frappée par la crise économique, sociale et culturelle que nous traversons. Comment répondre à cette demande ? Face à la médicalisation croissante du « malaise dans la civilisation », la psychothérapie se veut à l’écoute de la quête d’identité et de sens qui sous-tend ce malaise.

 

 

 

 

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edmond marc

Edmond Marc

docteur en psychologie, psychothérapeute, 

professeur émérite des universités,

auteur du livre "Identité et communication"

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