Neurofeedback dynamique et mécanismes neuronaux
Deuxième partie
(Première partie sur la page de Corine Fournier)
Pierre BOHN
Mon fil rouge a été la simplicité du mécanisme de feedback, l’interruption du son. Pour que ce mécanisme simple soit efficace pour un nombre aussi important de problèmes, il fallait que les mécanismes du cerveau qui le prennent en compte soient également simples. Compte tenu de l’immense complexité de la structure cérébrale avec ses centaines de milliers de milliards de connexions entre neurones, cette hypothèse n’était pas évidente au départ. Mais la synthèse de nombreux livres et surtout de publications scientifiques récentes nous ont permis de la vérifier.
Cette synthèse a été un gros travail de plusieurs années et les explications que nous avons trouvées, et rassemblées en un tout qui nous semble cohérent, figurent dans notre livre Le Neurofeedback dynamique. Pour résumer les traits les plus saillants de cette synthèse, nous parlerons d’une part de l’existence d’une loi statistique relative aux variations de l’activité électrique du cerveau, et d’autre part de l’existence d’un mécanisme d’apprentissage de base au niveau des neurones.
La loi statistique présente dans le cerveau ne correspond pas à la loi statistique la plus connue, qui est la courbe de Gauss ou courbe en cloche, loi de répartition que l’on retrouve pour les tailles des individus d’une même espèce. Dans ce cas, il y a peu d’individus de très petite taille, un grand nombre d’individus de taille moyenne, et de nouveau un très petit nombre d’individus de très grande taille.
La loi statistique trouvée dans les variations de l’activité électrique du cerveau, dans une bande de fréquences comme la bande alpha, est très différente de la courbe de Gauss. On constate, après de nombreuses mesures, un très grand nombre de petites variations, puis une décroissance constante de la taille de ces variations, pour aboutir à un très petit nombre de variations de très grande taille.
Ce type de loi a été trouvé il y a plus de soixante ans par Richter et Gutenberg, chercheurs américains qui étudiaient les tremblements de terre. Mais ce n’est qu’en 2001 que des chercheurs danois et finlandais ont trouvé une loi similaire dans le fonctionnement de cerveaux sains chez l’homme. Peu de temps après, des chercheurs américains ont trouvé le même type de loi dans des cerveaux sains chez le rat. Mais en changeant par la chimie le rapport de force entre les neurones excitateurs et les neurones inhibiteurs, cette loi se trouve modifiée. On constate alors une forte remontée du nombre de variations de très grande taille. C’est typiquement le comportement épileptique, où les grandes variations de l’activité électrique se propagent dans le cerveau de façon excessive. Ces propagations anormales n’apparaissent pas dans un cerveau sain car il existe des mécanismes de régulation efficaces qui les freinent dès leur apparition.
La première théorie sur les mécanismes d’apprentissage et la modification de la force des connexions entre neurones est celle, en 1949, du psychologue canadien Donald Hebb. Pour lui, la simultanéité de l’activation de deux neurones successifs devait aboutir à un renforcement de leur connexion. Ce n’est que quarante ans plus tard que des chercheurs ont montré qu’il existait pour les neurones excitateurs des récepteurs particuliers permettant l’entrée de calcium qui lui-même permettait l’ouverture de plus de récepteurs sodium, augmentant ainsi l’activation du neurone suivant. La condition de simultanéité est assez stricte. Les deux neurones successifs doivent être actifs pendant la même fenêtre de temps qui est d’une fraction de seconde.
Un neurone a de nombreuses entrées. Si le nombre d’entrées actives est suffisant, le neurone peut devenir lui-même actif et activer le neurone suivant. Il émet un signal fort. Si par contre la force des connexions n’est pas suffisante, le neurone ne pourra pas activer le neurone suivant ; c’est un neurone faible vis-à-vis du neurone suivant. Mais si la condition de simultanéité entre un neurone fort et un neurone faible est respectée, le neurone fort suffit à activer le neurone suivant qui augmente la force des connexions des neurones qui lui sont connectés, y compris celui qui était faible. De faible il peut devenir fort et la suite des événements est modifiée.
Dans le cas de NeurOptimal, le signal fort est l’interruption inattendue du son. Ce signal doit arriver dans la même fenêtre de temps que l’événement qui a déclenché une grande variation, c’est-à-dire en général une relative faiblesse de populations de neurones inhibiteurs qui ne font pas correctement leur travail. Cette population défectueuse est alors renforcée et le cerveau mieux régulé.
Le système NeurOptimal n’est finalement qu’un capteur supplémentaire. Il fonctionne au niveau d’apprentissage le plus basique des neurones, le niveau moléculaire. C’est pour cela qu’il peut intervenir pour tout défaut de régulation du cerveau. Il est générique. De plus, seuls les neurones mal régulés sont concernés ; la correction ne peut aller que dans le bon sens.