Le Dr Laurence Carluer est neurologue au CHU de Caen. Elle y occupe un poste de praticien hospitalier depuis 2004. Elle est responsable du centre de compétence pour la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) et membre de l’équipe INSERM U1077 “Neuropsychologie et Neuroanatomie Fonctionnelle de la Mémoire Humaine”. Elle conduit un projet hospitalier de recherche Clinique sur la SLA qui vise à mieux comprendre les troubles émotionnels et cognitifs dans cette pathologie au travers d’une approche neuropsychologique et de neuro-imagerie.
Le Dr Laurence Carluer est également thérapeute certifiée et formatrice en IFS (Internal Family System, modèle de psychothérapie américain). Elle utilise ce modèle de psychothérapie auprès de patients souffrant de troubles psycho-somatiques. Elle est très impliquée avec le Dr François Le Doze au sein de l’Institut Francophone pour le Développement du Self Leadership qui a pour principal vocation de promouvoir ce modèle de psychothérapie.

PSYCHOTTRAUMATISME ET PSYCHOTHERAPIES A LA LUMIERE DES NEUROSCIENCES

Le cerveau est le fruit d’une longue histoire qui est celle de l’évolution de notre espèce. Les différentes strates qui le composent (cerveau reptilien, cerveau limbique, néocortex) cohabitent en nous et s’influencent mutuellement. Le cerveau reptilien, le plus ancien, assure les fonctions vitales de l’organisme (la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle) ainsi que les réflexes de survie (attaque/fuite/figement). Le cerveau limbique est notre cerveau émotionnel. L’amygdale est une structure importante du système limbique car elle permet d’attribuer une signification émotionnelle aux expériences que nous vivons. Enfin, le néocortex est le siège de la pensée abstraite, de l’imagination, de la conscience, de la réflexion.
Grâce aux progrès des techniques d’imagerie médicale (IRM et autres), le cerveau est, plus que jamais, vu comme un ensemble de réseaux neuronaux fonctionnant de façon dynamique, et interconnectée se modifiant sous diverses conditions dont la clé de voûte serait l’apprentissage. Grâce à sa plasticité, le cerveau modifie l’organisation de ses réseaux de neurones en fonction des expériences que nous vivons. Notre cerveau est à la fois le produit de nos gènes et des modifications permanentes que lui impose notre histoire individuelle. Cette même plasticité cérébrale nous permet à la fois de « sur-vivre » à un psychotraumatisme, et aussi d’en guérir.
Sous l’angle des neurosciences, nous aborderons les connaissances actuelles sur la neuropsychologie et la neuro-anatomie fonctionnelle des émotions. Les études scientifiques récentes permettent de mieux comprendre l’impact d’un psychotraumatisme sur les réseaux neuronaux impliqués dans la régulation émotionnelle. Le psychotraumatisme est en effet plutôt à considérer dans le cadre plus complexe du dysfonctionnement d’un circuit, ou réseau neuronal, que dans le cadre restrictif du dysfonctionnement d’une seule région cérébrale. L’étude des bases neurales du syndrome de stress post traumatique (SSPT) montre par exemple qu’il existe des anomalies fonctionnelles (une région cérébrale fonctionne trop ou pas assez : par exemple dans le SSPT, l’amygdale est hyperactive alors que le cortex cingulaire, censé inhiber l’activité de l’amygdale, est hypoactif) mais aussi structurales (le volume de l’hippocampe est réduit chez les patients souffrant d’un SSPT par rapport à celui de sujets contrôles) au niveau d’un circuit neuronal impliquant  des régions cérébrales comme l’amygdale, le gyrus hippocampique et parahippocampique, le cortex insulaire, le cortex cingulaire antérieure, le cortex préfrontal, le gyrus temporal, le cortex occipital, le thalamus.
Au travers des concepts d’attachement, d’empathie et de théorie de l’esprit, nous envisagerons les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la relation singulière entre le thérapeute et le patient. Nous aborderons la découverte récente de l’état mental au repos mesuré en Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle (ou état de repos conscient où le cerveau fonctionne sans entrées, consignes ou sorties forcées ou encore appelé « Réseau du Mode par défaut »). Cet état mental au repos, initialement considéré comme un état passif, est un état actif principalement médié par le cortex préfrontal médian et mettant en jeu de nombreux processus cognitifs dont l’intégration des aspects viscéro-moteurs de l’émotion avec les informations provenant de l’intérieur du corps ou le maintien de la continuité de l’identité de l’individu au cours du temps, ou encore la capacité à inférer des émotions et des intentions à autrui. Depuis les neurones miroirs jusqu’aux régions cérébrales impliquées dans la conscience du Soi et de l’Autre, nous essayerons de comprendre le potentiel thérapeutique des psychothérapies dites humanistes ou de troisième génération et de quelles façons elles tendent vers la restauration d’un Soi unifié.
Sur la base du cerveau « triunique » de Paul Mac Lean et des fonctions médiées par chaque strate (cerveau reptilien, cerveau limbique et néocortex), nous tenterons de mettre en perspective les limites de certaines approches ou concepts cliniques.

 

 

 

 

 

 

Laurence CARLUER

 

Neurologue au CHU de Caen, membre de l’équipe INSERM de Caen