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Philosophe, essayiste, docteur en philosophie politique et épistémologie, Laurence Vanin enseigne à l’Université de Toulon où elle est directrice pédagogique de l’Université du Temps Libre.

Membre du CERC, du Groupe de Recherche Supérieur de la Catalogne en Droit Constitutionnel Européen à l’Université Autonome de Barcelone (SGR 767).

Directrice de nombreuses collections scientifiques et philosophiques (E.M.E, Ellipses, Ovadia), elle anime des pauses philo, des conférences et des forums destinés au grand public.

 

Publication

"Les aventures du moi" aux éditions Ovadia

 

La peur 

L’homme s’éprouve dans le monde. Comme il n’est pas insensible, il reste troublé par les événements plus ou moins brutaux auxquels il est confronté. Les changements pour lesquels il n’est pas spécialement préparé produisent de l’émotion, engendrent du désordre, de la confusion. Lorsqu’ils se précipitent, lorsque vivre va plus vite que penser, l’homme peut être dépassé par ce qui survient. Aussi n’est-il pas étonnant que la conscience soit surprise par ce qu’elle traverse. Elle est comme délocalisée, hors d’elle-même, car « agie » de l’extérieur.

Cela explique certainement aussi, pourquoi l’individu éprouve une sensation avant même de l’avoir identifiée, reconnue. Cette dernière se fige alors en expression. Elle révèle l’effet de l’émotion dont la cause est l’essence même de ce qui, de manière incoordonnée, trouble, se répercute ensuite dans la conscience et donne à être perçu sensiblement.

Incontestablement, nous frissonnons de froid avant même de penser que nous avons froid ; de manière analogue, nous sursautons avant même de formuler ou comprendre que nous avons peur, et d’identifier ce qui nous a fait peur etc.

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Laurence Vanin

philosophe, essayiste, conférencière

 

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De fait, et nous ne pouvons le nier, le corps imite le monde. Lorsque nous avons froid ou peur, le corps tremblant désigne un organisme qui exprime le froid ou la peur. Il est alors marqué par ce qui l’entoure, comme frappé par le sceau de la réalité. Le visage mime nos impressions et revêt des masques. Il est imprégné, pénétré par la réalité et cela s’affiche sur lui. Il revêt différentes attitudes, présente différentes facettes, en réponse à ce que l’action du monde extérieur produit sur lui. Les rides constituent d’ailleurs les signes des agressions extérieures sur la peau (une exposition excessive au soleil, au froid etc.) ou les indices de l’affectivité (les rides d’expression liées par exemple aux rires, aux pleurs etc.) dans la durée ; mais leur existence démontre surtout qu’elles constituent des expressions qui ont, dans le temps, figé la peau, au point de la buriner, la sculpter. Absorbés par le rythme de nos existences nous oublions parfois que nous sommes mortels et que notre présence est aléatoire, contingente, gratuite. La terreur qu’inspire le néant se transforme dans l’ordre du vouloir vivre en peur de manquer et donc en quête immodérée de désirs à satisfaire. « Tout est gratuit, déclare Sartre, le jardin, cette ville et moi-même ; quand il arrive qu’on s’en rende compte ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter.(1) » Lorsque les décors familiers et rassurants s’effondrent, lorsque les significations défaillent, lorsque les murs de certitudes se lézardent l’homme ébranlé, s’angoisse. Il éprouve alors la scission interne de la conscience misérable, qui s’apparaît à elle-même, dans sa fragilité. Cioran affirme : « Un monstre, si horrible soit-il, nous attire secrètement, nous poursuit, nous hante. Il représente, grossis, nos avantages et nos misères, il nous proclame, il est notre porte-drapeau.(2) » L’homme conçoit que son besoin d’illusions manifeste l’incomplétude de sa condition. C’est pourquoi les philosophes du politique ont envisagé que la peur pouvait modifier les comportements et générer une puissance au service d’une nouvelle Souveraineté.

Laurence Vanin Philosophe, Essayiste, docteur en philosophie politique et épistémologie enseigne à l’Université de Toulon où elle est directrice pédagogique de l’Université du Temps Libre. Membre du Groupe de Recherche Supérieur de la Catalogne en Droit constitutionnel Européen à l’Université Autonome de Barcelone (SGR 767). Elle dirige avec D. Rémi la collection scientifique « De Lege Feranda » chez E.M.E, « Label-Idées », « Chemins de pensées », « L’Ecole des Savoirs » aux Editions Ovadia. En dehors de ses activités scientifiques, elle anime des pauses philo et forums destinés au grand public. Elle est l’invitée permanente de Brigitte Lascombe dans Rue des Sages sur RCF Méditerranée 

<<< VOIR LA VIDEO

(1) Sartre, La Nausée.
(2) Cioran, De l’inconvénient d’être né.