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Christine Schuhl, est de formation initiale éducatrice de jeunes enfants et Montessorienne.
Après plusieurs années de travail dans un jardin Montessori International, elle fait un parcours universitaire et obtient un D.E.A (Master 2) en Sciences de l'éducation.
Formatrice dans le secteur social et petite enfance, elle organise et anime de nombreuses formations, ainsi que des conférences.
Conseillère pédagogique dans plusieurs établissements d'accueil de la petite enfance, elle travaille à partir d'observations "participatives" autour de l'analyse des pratiques professionnelles.
Elle est également rédactrice en chef de la revue Métiers de la petite enfance (Elsevier Masson) et auteure de plusieurs ouvrages, centrés notamment sur la problématique de la douce violence.
Bibliographie :
- Vivre en crèche, remédier aux douces violences, Chronique Sociale 2003.
- Réaliser un projet accueil petite enfance, Chronique Sociale 2008
- Repérer et éviter les douces violences dans l'anodin du quotidien, Christine Schuhl, Denis Dugas, Chronique Sociale 2009.
- Article : La douce violence dans les pratiques professionnelles in Métiers de la petite enfance n°56.
- Nombreuses rubriques mensuelles dans la revue Métiers de la petite enfance (Elsevier Masson éditeur).
Les douces violences au quotidien : des attitudes souvent banalisées
Les douces violences envahissent aujourd'hui les relations humaines. Dans les pratiques parentales, éducatives, professionnelles, les pratiques de soins, les pratiques d'apprentissages ou d'encadrement, les douces violences s'expriment à travers un ensemble d'attitudes souvent banalisées, parce que dictées et transmises par un lourd héritage culturel.
Cet oxymoron, Douces violences, construit à partir d'observations et de séances d'analyse des pratiques professionnelles, dans le champ de la petite enfance, est aujourd'hui au cœur des problématiques de notre société.
La douce violence n'est pas maltraitance.
Elle s'exprime au cœur de la relation, dans ce face à face adulte, enfant. Elle est cette parole que l'on ne maîtrise pas au-dessus de la tête de l'enfant, ces gestes brusques contraignants, ces soupirs d'exaspération, ces regards sévères. Ce sont ces instants éphémères qui placent l'enfant dans une relation d'infériorité, où les convictions de l'adulte que l'enfant est trop petit pour comprendre et pour exister persistent encore.
Lorsque l'on pointe les situations de douces violences dans un quotidien apparemment sans histoire, beaucoup d'adultes se défendent de ne pas voir dans les douces violences, l'ombre d'une quelconque violence…
"On a toujours fait comme ça" et plus récemment, "on ne peut pas faire autrement" émergent comme des excuses imparables, déplaçant ainsi la responsabilité de chacun vers un système défaillant et des conjonctures complexes.
Toute rencontre avec un enfant est importante.
Il se joue dans ces échanges les prémices d'une confiance sans faille qui construira la fiabilité de toute autonomie. L'enfant a besoin d'avoir confiance en l'adulte pour avoir confiance en lui.
Pourtant, combien de gestes automatiques mouchent les petits nez ?
Combien de postures inadaptées surprennent l'enfant, simplement parce que les actes ne sont pas verbalisés ou que l'adulte n'est pas dans une attention bienveillante.
Les douces violences parasitent la relation. Elles permettent même d'aller plus vite, de devenir plus "rentable" dans les prises en charge collectives, parce que l'adulte ne fait plus attention à l'autre et qu'il exécute une tache, dépouillée de toute empathie.
Aujourd'hui, Il y a urgence à reconsidérer le quotidien de l'enfant
Dans beaucoup de situations, les habitudes, la routine, les exigences temporelles, les problèmes nombreux et divers parasitent la relation avec l'enfant. Certains gestes, certaines paroles, certaines attitudes placent l'enfant dans une réelle insécurité affective. Les jugements, les apriori peuvent devenir systématiques, sans que personne ne soit surpris. Le professionnel, le parent, peut sentir la couche de l'enfant pour savoir s'il a fait caca, porter un jugement sur le parent... sans que quiconque ne s'interroge sur ces dérives qui envahissent le quotidien de l'enfant.
Les douces violences sont comme banalisées.
Comme si les grandes théories de la séparation, de l'attachement avaient occulté ce quotidien... Sans histoire. Comme si les douces violences s'inscrivaient dans une autorité nécessaire à l'éducation de l'enfant.
"On ne va tout de même pas demander à un bébé si il veut bien qu'on lui change la couche!" m'a dit un jour une professionnelle. Certes, non, mais il est essentiel d'expliquer simplement à l'enfant ce qui va se passer…
Tout ce qui se dit, tout ce qui se vit autour de l'enfant est important. Aucun geste, aucune parole, aucune attitude ne sont anodins.
Pourtant, la douce violence ne date pas d'aujourd'hui, elle a sans aucun doute traversée les époques mais sur la pointe des pieds, un peu sans importance…
Aujourd'hui elle est reconnue parce qu'elle a un nom et qu'elle peut se discuter.
Elle rejoint les travaux de ces dernières années sur la bien-traitance qui ont largement ouvert la voie. Françoise Dolto en a été la pionnière, Danielle Rapoport et toute son équipe ont finalisé des travaux remarquables, notamment avec "l'opération pouponnière" démarrée en 1978 en France.
La parole qui blesse, le geste qui bouscule, le soupir qui paralyse ne sont plus banalisés. Le principe de l'enfant "éponge émotionnelle" est admis. Par ce biais, "la douce violence" rejoint aujourd'hui le rang des nouveaux concepts. Les professionnels en parlent, les parents en débattent, réagissent et remettent très clairement leurs pratiques quotidiennes en cause.
Ce doit être un questionnement obstiné parce que les douces violences sont insidieuses, parfois installées, toujours possibles.
Cependant, les adultes ne parviennent pas encore à maîtriser ces mots, ces conversations, ces transmissions en présence de l'enfant "arrosé" de paroles qu'il n'est pas en mesure de recevoir. Les jugements, les "étiquettes" sont encore difficiles à remettre en question. Ce sont là des habitudes prises au fil des années qu'il faut changer, tout en sachant qu'elles dépendent directement de l'histoire de chacun.
L'analyse des douces violences passe par une véritable communication où l'on reste cohérent, respectueux de l'autre, et capable de se remettre en question.
Il y a aujourd'hui une formidable volonté de s'interroger sur la place que l'on accorde à l'enfant. Comment l'accueillir, lui et sa famille? Comment lui offrir une véritable place ? Comment être vraiment à son écoute, malgré les influences d'un système?
Les douces violences ne sont pas un détail du quotidien. Elles se posent en réflexion incontournable. Bien plus, Il est urgent de les considérer pour qu'elles ne deviennent pas l'anti-chambre de quelques maltraitances.
Christine Schuhl pour FF2P 2010.
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