Cornelia Gauthier

médecin psychosomaticienne

       
       
               
                   
 

La doctoresse Cornelia Gauthier est médecin généraliste FMH et psychosomaticienne ASMPP.

Durant les diverses formations post-graduées suivies, il y eut un moment clé lorsqu’elle apprit que 3 enfants sur 10 subissent une fois au moins un abus sexuel. Elle réalisa alors qu’elle ne retrouvait pas ces chiffres parmi ses patients.

Par la suite, elle commença alors à leur poser des questions plus précises et découvrit ainsi l’étendue des dégâts. En plus, elle observa que parmi ses patients abusés se trouvaient aussi tous ceux qui avaient subi des violences physiques et morales.

Après plusieurs années de recherches et d’observations quotidiennes, elle remarqua que ses patients présentaient fréquemment des symptomatologies psychosomatiques identiques ainsi que des troubles du comportement qui se rejouaient constamment dans des scénarios répétitifs.

Compatir ne suffisait pas, il fallait réparer. Elle fut donc amenée à développer de nouvelles approches thérapeutiques efficaces comprenant des méthodes de « déprogrammation traumatiques » ainsi que des approches comportementales spécifiques pour aider les victimes à repérer leurs dysfonctionnements et à les changer. C’est ainsi qu’elle mit sur pied une formation pour les médecins et thérapeutes qui souhaitent apprendre à pratiquer la thérapie émotionnelle. Il est prévu d’organiser une même formation à Paris dès l’année prochaine.

En mai 2008, elle a publié un premier livre intitulé « Sommes-nous tous des abusés ? » dans lequel elle décrit ce nouveau concept thérapeutique. Suite à la lecture de « La fessée » d’Olivier Maurel, elle a pris connaissance de la grande problématique de la violence éducative ordinaire. C’est ainsi que ce printemps, elle a écrit deux articles médicaux intitulés « Qui aime bien, châtie bien ! », articles publiés dans la Revue Médicale Suisse et que l’on peut consulter sur le site www.formation-emotions.ch
Un nouvel ouvrage concernant la problématique comportementale des victimes paraîtra le 17 octobre 2010 et sera intitulé « Victime ? Non merci ! ». Il s’agit d’un petit ouvrage destiné autant aux patients qu’aux thérapeutes. Pour les patients, il représente une aide pour identifier les scénarios répétitifs dans lesquels ils s’embourbent, et pour les thérapeutes, il permet de comprendre les réactions parfois déconcertantes de nos patients et peut ainsi représenter un canevas de traitement.

 

 

Ma participation à la table ronde consacrée à
la violence éducative et à ses conséquences

 

Je propose de parler des conséquences comportementales des victimes

Les abus, qu’ils soient sexuels, physiques ou émotionnels, vont entraîner des lésions psychiques persistantes qui se manifesteront ensuite par des troubles psychosomatiques, des troubles psychiques et des troubles du comportement.
Lorsque les enfants font les frais de la violence éducative ordinaire, qu’elle soit physique ou seulement émotionnelle, les abus « pleuvent » sur eux quotidiennement. Cela aura comme conséquences directes non seulement une désécurisation fondamentale, mais induira également une perversion des liens d’attachement ainsi qu’une identification aux abuseurs
(selon le principe du syndrome de Stockholm).

 

Perversion des liens d’attachement

Le bébé humain a besoin, pour son bon développement, d’avoir une base de sécurité fondamentale sur laquelle il puisse se reposer et qui lui permette, par la confiance qu’elle lui donne, de s’ouvrir progressivement au monde et d’apprendre à tisser des relations avec les autres. Lorsque son entourage proche est menaçant et maltraitant, le besoin de sécurité de l’enfant s’accroît proportionnellement et il s’attache encore plus aux auteurs des abus. Il s’agit pour lui d’une question de survie. C’est pourquoi, non seulement, l’enfant ne dénoncera jamais ses parents, mais il les protégera envers et contre tout. Il se crée ainsi une loyauté familiale qui persistera tant qu’elle n’aura pas été identifiée et « déprogrammée ». Or, la loyauté bénéficie essentiellement à autrui au dépend de celui qui la pratique. La loyauté victimise donc la personne abusée.

 

Identification aux abuseurs

L’un des principaux modes d’apprentissage de l’enfant réside dans sa capacité à observer les comportements et à les copier. Ayant journellement devant ses yeux des adultes abuseurs, tout en étant victime, il apprendra donc lui aussi à abuser. C’est ainsi que se créera dans son psychisme une dualité victime-abuseur, problématique qui compliquera durablement sa vie et celle de son entourage. Certains enfants deviendront des abuseurs-victimes et d’autres évolueront vers un comportement de victimes abusives. Autant les abuseurs que les victimes auront (quoique différemment) une propension à abuser, certains abus étant dirigés contre autrui et d’autres contre eux-mêmes. L’abus contre soi est la raison et l’explication de toutes les conduites à risques.

 

L’abuseur

Une minorité de ces enfants se protégeront en rejoignant le camp des plus forts et deviendront des abuseurs. Cela veut dire que fondamentalement, l’abuseur est un être très faible et qu’il n’a pas trouvé d’autres moyens de survie. Pour devenir un abuseur, il devra donc apprendre à mettre son système émotionnel hors service en faisant un blocage émotionnel total et définitif. Dorénavant, son psychisme sera amputé d’une partie vitale, fondamentale chez l’être humain : la circulation émotionnelle normale. Devenu insensible, il devra donc trouver le moyen de déclencher des émotions fortes pour se sentir vivant. Il y parviendra en abusant des autres et en se « nourrissant » des réponses émotionnelles qu’il déclenchera chez les autres. Les émotions fortes provoquant la sécrétion d’endorphines (morphines naturelles), il deviendra dépendant de ce mode de fonctionnement qu’il reproduira quotidiennement en réponse à ce nouveau système pulsionnel.

Les cinq caractéristiques(1) toujours présentes chez l’abuseur sont :
• Le blocage émotionnel
• Le déni
• L’égoïsme
• La pratique de la projection
• Le recours aux abus

 

La victime

Le destin de la majorité des enfants abusés consistera à devenir et se comporter dorénavant en victimes(2), mettant avant tout en pratique le réflexe de soumission aux abuseurs. Il s’agit d’une technique d’apaisement, un autre réflexe de survie, mécanisme archaïque que l’on rencontre aussi chez certains animaux. Le problème principal de la victime réside dans le fait qu’elle n’a pas appris à s’affirmer et à oser dire non et qu’elle ne sait pas repérer les abuseurs avant d’en faire les frais. Elle est même attirée par les abuseurs car c’est le premier mode de relation qu’elle connaît. Ainsi se retrouve-elle constamment dans des scénarios répétitifs où elle se fait abuser encore et encore et où sa vie ressemble souvent à un véritable enfer.

 

Comment différencier un abuseur-victime d’une victime-abuseur ?

Certaines victimes peuvent être extrêmement abusives, et il n’est pas toujours aisé de savoir à qui l’on a affaire. La grande différence entre ces deux populations réside dans l’existence ou non de trois caractéristiques :
• Le sentiment de culpabilité
• Le sentiment de honte
• Le comportement de sauveur
En raison du blocage émotionnel, du déni et de la projection, les abuseurs ne ressentent jamais la culpabilité ou la honte. Quant à leur égoïsme, il les prive d’empathie et ne les induit pas à s’intéresser aux autres.
Par contre, les victimes prennent sur elles, à la place des abuseurs, les sentiments de culpabilité et de honte qui ne leur appartiennent pas. Et, par excès de gentillesse, elles deviennent des « sauveuses » en se chargeant des problèmes des autres sans qu’on ne le leur demande. Tout en envahissant les autres par leurs solutions, elles s’épuisent totalement.

La devise des abuseurs est :
Moi ça va, les autres, je m’en fous.
La devise des victimes est :
Les autres, ça va, de moi, je me fous.

La distinction entre abuseurs et victimes est fondamentale car on ne peut pas traiter un abuseur. Il n’en a que faire et on y perd inutilement un temps fou. La seule chose que l’on puisse faire est de le mettre hors d’état de nuire.
Par contre, les victimes (qui représentent la majorité des enfants abusés) pourront bénéficier de thérapies spécifiques, même si ces traitements sont parfois très longs. Un travail passionnant et qui en vaut la peine, autant pour les victimes elles-mêmes que pour les générations futures.

 

(1) Ces processus sont décrit en détails dans « Sommes-nous tous des abusés ? »
(2) Ces troubles de comportement sont le sujet de « Victime ? Non merci ! »

 

 


     
       

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